Valoriser la conception des films d’entreprises dans les devis

Il ne viendrait à l’esprit de personne de bâtir un immeuble sans en dessiner les plans au préalable, de lancer une activité commerciale sans réaliser d’étude de marché ou bien de démarrer la promotion d’un produit sans plan marketing. Pourtant, dans le domaine du film d’entreprise, combien de devis intègrent les phases de conception et d’écriture ? Combien de propositions tarifaires mentionnent les temps de préparation alors que ceux-ci peuvent dépasser allègrement ceux de la réalisation technique ? Que dire des forfaits qui fleurissent sur la toile, basés uniquement sur un nombre de jours de tournage et de montage ? La communication par la vidéo serait-elle si évidente qu’elle puisse se satisfaire d’improvisation ? La réponse est évidemment non, sauf si l’on considère qu’un film d’entreprise est une sorte de recette toute faite que l’on peut reproduire à chaque nouveau projet.

Le mode d'emploi improbable

Tournage du « mode d’emploi improbable » du site Ton Jules aux enchères. Avec Maroussia Henrich et Adrien Kamga.

Pourquoi négliger à ce point la phase de conception ?

Les raisons de cette négligence sont tout autant le fait du client que de son prestataire. A la lumière de ce que l’on observe au fil de relations commerciales, on peut avancer quelques explications :

– Le manque de connaissance du support de communication audiovisuel chez de nombreux décideurs encourage les prestataires à ne pas détailler la partie conception dans le devis. Beaucoup de clients découvrent le processus d’élaboration d’un film lors du tournage, c’est à dire après avoir passé commande à un prestataire.

– L’omniprésence de la vidéo sur Internet laisse penser que la communication par l’audiovisuel est à la portée de tous, sans pour autant dévoiler l’importance du travail de conception et de création qui a été nécessaire en amont du tournage.

– Les prestataires qui communiquent sur des tarifs basés uniquement sur un nombre de jours de tournage et de post-production donnent de faux repères au client mal informé. S’agit-il d’une volonté délibérée de casser les prix ? D’un manque de savoir-faire métier ? Ou encore du non-respect de la législation avec une part de travail dissimulé ?

– La compression des coûts de prestation, voire le dumping pratiqué en situation économique difficile, sont à l’origine de ce type de devis incomplet. Il est plus facile de tirer les prix sur la phase de conception d’un film d’entreprise que sur sa réalisation technique. Ne nous leurrons pas : dans un cadre commercial, il est peu probable qu’un travail non facturé soit effectué correctement. Avis aux clients qui cherchent à faire baisser systématiquement les tarifs.

– La difficulté d’évaluer à court terme les retombées d’un film d’entreprise fait que les commanditaires ne sont parfois plus en poste lorsqu’il est possible de mesurer le retour sur investissement. Idem pour les prestataires qui travaillent « au coup par coup » sans se soucier de la satisfaction du client, donc de sa fidélisation.

– Tendance des clients à s’affranchir des agences de communication pour réaliser des économies. Pourtant, un film seul n’est pas la panacée et n’a d’intérêt que dans le cadre d’une campagne de communication globale pour laquelle on définit des objectifs clairs. Quelle cible ? Pour une diffusion via quels médias ? Selon quelle stratégie ? Pour quel retour sur investissement et à quelle échéance ?

– Tendance des clients à s’affranchir du savoir-faire d’un réalisateur, véritable maître d’œuvre du projet audiovisuel. Combien de fois ai-je entendu : « On a fait appel à un cameraman pour tourner une vidéo de promotion »… Propos véridiques ! Petit rappel : le travail de l’opérateur de prise de vue ou OPV – la véritable appellation pour cameraman – est de réaliser techniquement les plans imaginés par le réalisateur. On peut bien entendu avoir les deux casquettes sur des tournages légers, à condition d’avoir acquis les compétences et l’expérience nécessaires pour chaque spécialité.

– Enfin, et c’est peut-être lié à l’époque, la tendance à dévaloriser l’aspect immatériel d’une prestation quelle qu’elle soit, ce qui est paradoxale dans une économie où la part de la production manufacturée diminue si fortement. Je pense notamment au pillage d’œuvres sur Internet et aux théories économiques fumeuses à ce sujet, émanant de personnes qui ne vivent pas à l’évidence de la création. Mais c’est un autre débat.

Le mode d'emploi improbable

Extraits du « mode d’emploi improbable » du site Ton Jules aux enchères

Points de repères

– Le matériel technique représente peu de chose dans le coût d’un film d’entreprise et devrait apparaître comme tel dans les devis. Le plus gros poste budgétaire est constitué de la masse salariale. Le coût de la phase de conception peut représenter plus de la moitié du budget total.

– Savoir réaliser des images correctes et les monter de manière dynamique est le B-A BA du métier et n’est pas un critère suffisant pour faire un support de communication ou de formation efficace. Attention aux bandes démos spectaculaires, mais vide de sens, lors du choix d’un prestataire.

– Communiquer par l’audiovisuel ne s’improvise pas. Les compétences nécessaires sont rarement détenues par une seule personne et la réalisation d’un film d’entreprise est un travail d’équipe. Se passer d’un spécialiste en communication ou d’une agence est comme se passer d’un architecte pour bâtir une maison : c’est une fausse économie qui peut coûter très cher. Idem pour le réalisateur, même si sa rémunération a un coût non négligeable dans le devis.

– Dire que la communication audiovisuelle est hors de prix, voire peu efficace, n’a pas de sens. Il s’agit d’un investissement qui se rentabilise à condition d’être cohérent avec les objectifs qu’on s’est fixés et d’élaborer une vraie stratégie de communication. Dépenser 2000 € pour un film d’entreprise qui fait 50 clics sur Youtube est effectivement hors de prix. En revanche, ne vouloir dépenser que 2000 € pour booster son chiffre d’affaire de plusieurs centaines de milliers d’euros est illusoire. Les investissements se font à hauteur des ambitions, dans la communication d’entreprise comme dans tout autre domaine.

– Le métier de spécialiste en communication n’est pas « de la poudre aux yeux » comme on l’entend parfois dans la bouche de certains décideurs. Les entreprises et les marques qui se développent avec succès font appel à des agences spécialisées, rentabilisant par ce biais des budgets de communication parfois colossaux. Idem pour les consultants en formation dans le cadre des films pédagogiques.

Par Alexandre Eymery

Extrait du "Mode d'emploi improbable", parodie de tournage
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